Nanomagnétisme

Utilisations des nanoparticules magnétiques en nanomédecine et en catalyse magnétique

Les propriétés magnétiques des nanoparticules peuvent être utiles en cancérologie, avec plusieurs approches possibles. La plus évidente est le magnetic drug targeting, qui consiste à guider ou accumuler des nanoparticules vers un endroit-cible à l’aide de champ magnétiques externes. Une autre approche consiste à exciter les nanoparticules à l’aide d’un champ magnétique haute-fréquence, ce qui permet de détruire les cellules cancéreuses, un phénomène appelé hyperthermie magnétique. Il est également possible d’utiliser des champs magnétiques rotatifs à faible fréquence, qui agitent mécaniquement les nanoparticules, et ont sous certaines conditions des effets délétères sur les cellules. Ces deux types d’excitations peuvent également être utilisées pour activer la libération de molécules médicamenteuses de nano-cargos contenant à la fois des nanoparticules magnétiques et ces molécules d’intérêt.

L’excitation de nanoparticules ou d’autres matériaux par des champs magnétiques haute-fréquence peut également avoir des applications dans le domaine de la catalyse. En 2015, les travaux originaux menés avec l’équipe NCO sur la synthèse des particules de carbure de Fe, et leur connexion avec la réaction de Fischer Tropsch, nous a conduit à utiliser le fort pouvoir de chauffe des particules de FeC et leur réactivité de surface pour réaliser directement la réaction de Fischer Tropsch par application d’un champ magnétique. Les nanoparticules devenaient alors à la fois la source de chaleur et l’élément catalyseur. Ces premiers résultats ont conduit à l’émergence d’une nouvelle thématique très active dans le laboratoire, la catalyse magnétique.

Durant les quinze dernières années, la contribution de l’équipe Nanomag à ces différents domaines de recherche a été forte. Nous avons ainsi obtenu des résultats importants sur les plants théoriques, expérimentaux, et sur le développement de dispositifs de générations de champ.

Théorie et simulations

Sur le plan théorique, nous avons fourni un gros effort pour permettre de clarifier pour la communauté les mécanismes à l’origine de la puissance de chauffe des nanoparticules, ainsi que les équations et modèles à utiliser. Ainsi, nous avons développé des simulations numériques et des expressions analytiques permettant de calculer les puissances de chauffe de nanoparticules isolées soumises à des champs magnétiques haute-fréquence, ce qui en retour permet de définir précisément les principes généraux permettant leur optimisation. Nous avons également étudié l’influence des interactions magnétiques sur la puissance de chauffe d’assemblées de nanoparticules. Nos travaux dans ce domaine font désormais référence.
 

Travaux théoriques. (a) Modélisation de nanoparticules magnétiques utilisée pour l’ensemble de nos simulations numériques. Il s’agit d’un modèle de Stoner-Wohlfarth avec des sauts thermiquement activés entre puits de potentiel (b) Puissance de chauffe de nanoparticules de différente taille en fonction du champ magnétique et pour différentes tailles. (c) Répartition spatiale de la puissance de chauffe dans une assemblée de nanoparticules en interactions magnétiques. (d) Couple mécanique généré par une assemblée de nanoparticules en interaction, en fonction de l’amplitude du champ et de la taille des nanoparticules.
Notre deuxième contribution concerne l’agitation mécanique de nanoparticules soumise à un champ magnétique rotatif. Là encore, nous avons posé les bases théoriques dans ce domaine, et développé des simulations permettant de calculer le couple dans des assemblées de nanoparticules soumises à des champs extérieures. Nous avons notamment montré comment ce couple peut être fortement augmenté dans des assemblées de nanoparticules à condition que les nanoparticules soient soumises à des champs rotatifs et non pas alternatifs.
 
Développement de bancs expérimentaux.

Nous avons développé plusieurs bancs expérimentaux spécifiquement dédiés aux applications en biologie et à l’étude des propriétés magnétiques haute-fréquence des nanoparticules. Ces différents bancs sont actuellement utilisés par l’équipe de Véronique Gigoux (CRCT) pour des expérience in-vitro, ou dans notre équipe pour la caractérisation de nanoparticules. On peut citer : i) des électro-aimants haute-fréquence (100 kHz – 300 kHz) permettant de mesurer la puissance de chauffe de nanoparticules. La version miniature de ces électroaimants (avec un entrefer de 400 µm) permet de faire des experiences de mort cellulaire sous un microscope confocal ii) un dispositif permettant de mesurer le cycle d’hystérésis haute-fréquence (100 kHz) de solutions colloïdales de nanoparticules iii) plusieurs dispositifs permettant de générer des champs magnétiques rotatifs basse-fréquence, basés soit sur des aimants permanents en rotation, soit sur des quadrupoles magnétiques iv) une version miniature de ces derniers dispositfs, permettant là encore de faire des expériences sous microscope confocal.

Développement de bancs expérimentaux. (a) Electroaimant miniaturisé avec un entrefer de 400 µm permettant de générer un champ haute-fréquence sur des cellules cancéreuses sous un microscope confocal. (b) Dispositif permettant de générer un champ tournant basse fréquence, basé sur la rotation d’aimants de Halbach. (c) Dispositif permettant la mesure de cycles d’hystérésis à haute-fréquence (70 kHz, 50 mT) de solutions colloïdales de nanoparticules. (d)-(e) Dispositifs permettant de générer un champ rotatif basse fréquence basés sur des quadrupôles ou sextupôles magnétiques ; (d) permet de générer le champ sous un microscope confocal et (e) d’appliquer le champ sur des boites de cultures cellulaires ou des souris.
Mesures expérimentales

Nous avons mesuré et analysé les propriétés d’hyperthermie de différents types de nanoparticules issues du groupe NCO, mais également d’autres laboratoires européens avec lesquels nous collaborons. On peut signaler plusieurs résultats importants dans ce domaine : i) une étude complète combinant théorie et expérience sur la dépendance en taille de la puissance de chauffe de NPs de fer ; ii) la mesure de nanoparticules de FexC, qui présentent les puissances de chauffe les plus importantes de la littérature à bas champ magnétique, et la compréhension fine des mécanismes sous-jacent (compétition entre anisotropie et interactions magnétiques). iii) la démonstration expérimentale et théorique que l’hyperthermie magnétique ne peut pas se pratiquer dans une IRM.
Nous avons également réalisé des expériences au synchrotron Soleil pour mesurer la température locale de nanoparticules soumises à un champ magnétique haute-fréquence. Ces résultats apportent une pièce supplémentaire à une problématique importante du domaine : quelle est la température à l’échelle nanométrique de ces nanoparticules ?