Nanomagnétisme

Magnétisme de nanostructures

Notre équipe a la compétence pour effectuer des caractérisations de bases de nano-objets magnétiques (cycles d’hystérésis en fonction de la température, Field-cooled / Zero field cooled), mais également des mesures plus complexes (torques, diagramme FORC). L’analyse de ces mesures nous permet de déduire certaines caractéristiques des nanostructures étudiées : aimantation, anisotropie, intensité des interactions magnétiques, etc.

Nous avons également des compétences en simulations micromagnétiques, ce qui nous permet des comparaisons entre théorie et mesures expérimentales. Nous présentons ci-dessous deux exemples illustratifs de ces études.

Configurations de spins dans des nano-aimants individuels

La configuration magnétique de nano-objets est de première importance pour leur utilisation comme support d’information en mémoires, en hyperthermie magnétique, etc. La détermination de cette configuration, multidomaine, vortex ou monodomaine, devient particulièrement délicate dans des objets magnétiques individuels et/ou de formes complexes. En collaboration avec le CEMES-CNRS pour l’imagerie magnétique par holographie électronique dans un microscope électronique en transmission (MET), nous avons analysé par simulations micromagnétiques les configurations de spin dans des  nano-objets synthétisés par l’équipe Nanostructures et Chimie Organo-métallique (NCO) du LPCNO. L’imagerie magnétique par holographie électronique correspondant à une projection 2D du magnétisme d’un objet 3D, les simulations micromagnétiques 3D sont alors primordiales pour établir in fine la configuration magnétique totale de l’objet observé. En accord avec les mesures, nous avons fait la démonstration directe de la transition monodomaine-vortex en fonction de la taille de nanocubes de fer individuels de 20 à 30 nm, avec notamment la mise en évidence d’une configuration intermédiaire dite vortex <111> [E. Snoeck et al., Nano Lett., 8 4293 (2008), L.-M. Lacroix et al., Nano Lett. 12 3245 (2012), C. Gatel et al., Nano Lett. 15 6952 (2015)]. Nous avons également publié une étude générale sur les configurations magnétiques dans les nanocuboïdes à anisotropie magnétocristalline cubique [F.J. Bonilla et al., J. Magn. Magn. Mat. 428, 394–400 (2017)].

Nanocubes de fer de différentes taiilles.  Images de phase magnétique par holographie électronique (haut) et simulations micromagnétiques (bas, aimantation) associées de trois configurations magnétiques observées successivement en fonction de la taille d’un nanocube de fer. [ C. Gatel et al. Nano Lett. 15 6952 (2015)].
Nanocubes de fer de différentes taiilles. Images de phase magnétique par holographie électronique (haut) et simulations micromagnétiques (bas, aimantation) associées de trois configurations magnétiques observées successivement en fonction de la taille d’un nanocube de fer. [ C. Gatel et al. Nano Lett. 15 6952 (2015)].

L’étendue des configurations magnétiques possibles dans un nano-objet a été poursuivi sur des nanocuboïdes de Fe déposés sur GaAs(001) par électrodéposition. En collaboration avec K. Leistner (croissance) et V. Neu (analyses MFM) de l’IFW Dresden en Allemagne, nous avons calculés les images MFM théoriques pour une comparaison quantitative aux mesures [voir figure ci-dessous]. Suivant la taille du cuboïde, différentes configurations magnétiques sont révélées, de monodomaine à vortex puis multidomaine en structures Landau. Notamment, à la transition monodomaine/vortex théorique établie, un état métastable est expérimentalement observé [S. Guo et al., Nano Lett. 22, 4006 (2022)].

Etude de nanocuboides de fer. a) Comparaison des contrastes MFM calculés et mesurés pour des nanocuboïdes de Fe de taille décroissante. (i) charges magnétiques de surface effectives sur la face supérieure du cuboïde, (ii) contrastes MFM déduits par la convolution de la charge de surface calculée avec la fonction de transfert de la pointe MFM, (iii) contrastes MFM mesurés, (iv) profils de contraste MFM selon les lignes indiquées sur les cuboïdes en (ii) - (iii). b) Diagramme de phase calculé des configurations magnétiques en fonction de la taille de cuboïdes (rapp. aspect épaisseur/dim. latérale = 0.46) et comparaison avec les mesures MFM (symboles ouverts : états fondamentaux calculés, symboles pleins : état métastable ; SD : monodomaine ; FL : état flower). [S. Guo et al. Nano Lett. 22, 4006 (2022)].

Au-delà des nanocuboïdes, des configurations de spin complexes ont été étudiées dans des nano-objets de formes peu communes comme des octopodes de FeCo, des nano-haltères Co-Fe (N. Liakakos et al., Nano Lett. 14, 2747 (2014)], ou encore des tétrapodes de Ni [G. Dragomir-Maties et al., J. Phys. Chem C., 126 20668 (2022)], tous synthétisés par l’équipe NCO du LPCNO. Par exemple, l’équipe Nanomagnétisme a établi par simulations micromagnétiques les configurations magnétiques dans un octopode monocristallin de FeCo, et ce en parfait accord avec les mesures par holographie électronique 2D [figures (c)-(f) ci-dessous]. L’intérêt des simulations 3D est ici primordial et permet l’étude approfondie du cœur de l’étoile : nous avons ainsi mis en évidence une structure magnétique atypique dans le cœur de l’étoile de type 4π antivortex [C. Garnero et al., Nano Lett. 21, 3664 (2021)].

Etude de nanoétoiles de FeCo. a) image MET de nanoétoiles de FeCo, b) reconstruction 3D d’une étoile par tomographie MET. Lignes d’induction magnétique mesurées superposées à l’image MET (c) et simulées (b), images de déphasage électronique d’origine magnétique mesurée (e) et simulée (f). Aimantation simulée g) et h) spins dans le plan central du cœur de l’étoile perpendiculaire à l’axe z. [C. Garnero et al. Nano Lett. 21, 3664 (2021)]
Structures en domaines magnétiques dans les nanostructures 2D
Les domaines magnétiques présentent un intérêt certain du fait de leur mobilité sous champ magnétique et surtout sous courant. En effet la démonstration du déplacement de domaines magnétiques notamment de type skyrmions sous courant électrique a motivé de nombreuses études et applications telles que les racetrack memories, la spin logic, ou le calcul neuromorphique. Au sein de l’équipe Nanomagnétisme, nous développons l’étude de skyrmions dans des hétérostructures films minces non-centrosymétriques. Nous élaborons des films ultrafins de type multicouches Pt/Co/Ta (Figure), notamment sur grille MET à membrane Si3N4 transparentes aux électrons afin d’être directement observés par imagerie magnétique en MET (collab. CEMES-CNRS). Différents régimes de structures en domaines stripes ou réseaux de bulles skyrmioniques sont observés suivant le nombre de périodes n de la multicouche et le champ magnétique perpendiculaire appliqué. Nous développons (i) la modulation la température in-situ dans le MET pour contrôler thermiquement la nucléation des skyrmions, et (ii) l’injection de courant in-situ pour stimuler la dynamique de skyrmions par courant.
Multicouches Pt/Co/Ta pour skyrmions. a) Structure des multicouches constituées de n répétitions de Pt/Co/Ta élaborées par pulvérisation cathodique (épaisseurs en nm). b) Cycles d’hystérésis M(H) des multicouches mesurées en VSM. c) image MOKE et d)-i) images MET en mode Lorentz (LTEM) illustrant les structures en domaines magnétiques labyrinthiques dites stripes dont la période évoluent suivant le nombre de répétition n . i) Réseau de bulles skyrmioniques observé lors de l’application d’un champ magnétique pour l’échantillon n=15. j) Largeur des domaines magnétiques Lstripes mesurée par imagerie magnétique en fonction de l’épaisseur total de Co et fit théorique permettant d’extraire l’énergie de paroi magnétique.