Assemblées de nano-bâtonnets pour la fabrication de micro-aimants
Réseaux ultradenses de nanofils magnétiques monocristallins.
Ces travaux concernent la croissance de réseaux denses de nanofils de cobalt par synthèse chimique organo-métallique en voie liquide sur des films monocristallins épitaxiés sur substrats. Il s’agit d’un projet collaboratif entre les équipes Nanomagnétisme et NCO du LPCNO. Concrètement, après avoir déposé par pulvérisation cathodique un film épitaxié de Pt(111) sur Al2O3(0001) [O. Benamara et al., Surf. Sci. 605 1906 (2011)], ce germe bidimensionnel est introduit dans un réacteur contenant un solvant (anisole ou toluène), un précurseur organométallique de cobalt, un acide et une amine. Après quelques heures sous H2 et sous températures modérées, des nanofils monocristallins de Co ont cru verticalement sur Pt(111) en réseaux denses spontanément hexagonaux. Les nanofils de diamètres de 6 à 12 nm sont enrobés d’une couche de surfactants de 2 à 3 nm si bien que ces réseaux de nanofils atteignent des densités surfaciques de l’ordre de quelques 1012 nanofils/cm2 [N. Liakakos et al., Nano Lett. 14, 3481−3486 (2014)]. Considérant l’anisotropie magnétocristalline uniaxiale selon l’axe des nanofils (axe c de la structure Co hcp selon l’axe du fil) combinée à l’anisotropie de forme, ces nanofils présentent des propriétés magnétiques d’intérêt pour l’enregistrement magnétique haute densité.
Nous avons développé une étude approfondie concernant (i) la synthèse notamment ces degrés de liberté (contrôle de la densité surfacique par les ligands organiques introduits dans la synthèse pour moduler l’épaisseur de surfactants enrobant), et (ii) l’étude des propriétés magnétiques sur les caractéristiques fondamentales en enregistrement magnétique, i.e. la distribution de champ de retournement intrinsèque. Pour la partie synthèse, nous avons démontré le rôle du germe 2D que constitue le film mince monocristallin introduit dans la synthèse, définissant notamment l’orientation de croissance et spatiale des nanofils [N. Liakakos et al., ACS Nano 9 9665 (2015)]. Nous avons également démontré l’extension de cette méthode de croissance de nano-objets sur surfaces à des particules de Fe et Pt sur des surfaces adaptées [L. Peres et al., Nanoscale 10, 22730 (2018)]. Afin de moduler les densités de nanofils sur substrats, nous avons étudié la modification des couples acides/amines utilisés dans la synthèse. Par analyse SAXS (Small Angle X-Ray Scattering, Fig. 4, collab. LGC Toulouse), la modulation des distances caractéristiques des réseaux obtenus a pu être démontrée, à savoir les distances inter-fils et densités, grâce à la variation de l’épaisseur de ligands entre nanofils suivant les couples acide/amine [D. Yi et al., Nano Research, 10.1007/s12274-022-4804-6 (2022)].
Les propriétés magnétiques ont été étudiés en focalisant sur l’anisotropie des nanofils notamment par résonance ferromagnétique afin d’identifier et quantifier les différentes contributions, forme, magénocristalline et de surface [I. S. Camara et al., Appl. Phys. Lett. 109 202406 (2016), collab. IPCMS]. Nous nous sommes ensuite focalisés sur la détermination des distributions de champ de retournement des nanofils dans le réseau. Utilisant la technique de magnétométrie FORC (First Order Reversal Curves) la largeur de la distribution de champ de retournement intrinsèque des nanofils a pu être extraite, en fonction de la température et en s’affranchissant des interactions dipolaires interfils dans le réseau [A. Pierrot et al., (2023)]. Cela a été notamment possible avec l’appui d’une étude théorique sur les simulations de diagrammes FORC de réseaux de nanoaimants en interaction en réseaux hexagonaux afin d’identifier les signatures pertinentes [A. Pierrot et al., J. Appl. Phys. 128 093903 (2020)].
Réalisation d’aimants sub-millimétriques à partir de nanoaimants.
Les fortes propriétés anisotropes de nanofils de cobalt peuvent être mise à profit dans la réalisation de micro-aimants pour des applications MEMS. En collaboration avec l’équipe NCO du LPCNO, du LAAS-CNRS et de l’IMFT, nous travaillons à la réalisation et l’intégration d’aimants sub-millimétriques à base de nanobâtonnets de Co. Synthétisés ici par voie chimique en procédé polyol, ces nanobâtonnets monocristallins présentent des diamètres de 10 à 30 nm suivant les conditions de synthèse avec des rapport d’aspect entre 5 et 15 (insert Fig. 6(a)). Nous avons récemment démontré l’assemblage de ces nanobâtonnets par dépôt sous champ magnétique sur des substrats Si sur lesquels ont été prédéposés des plots de Ni (P. Moritz, et al. Adv. Eng. Mater. 2200733 (2022), P. Moritz, et al. ACS Nano 15(3) 5096 (2021)). Le dépôt assisté sous champ permet, grâce aux gradients de champ associés aux plots de Ni, de localiser les nanobâtonnets sur les plots (Fig. 6(a)) ou entre les plots (Fig. 6(b)) suivant la direction du champ magnétique appliqué, respectivement perpendiculairement ou parallèlement au substrat.
Cette technique d’intégration dite de magnétophorèse est mise à profit pour réaliser des réseaux d’aimants permanents sub-millimétriques à aimantation perpendiculaire intégrés dans un dispositif de récupération d’énergie électromagnétique [figure (a) ci-dessous]. Des simulations par éléments finis ont permis d’optimiser les dimensions et les caractéristiques du réseau d’aimants réalisés soit par pulvérisation cathodique de NdFeB à l’Institut Néel, soit par magnétophorèse de nanobâtonnets de Co au LPCNO, et de la bobine planaire associée afin de maximiser la tension induite [I. Lecerf et al. Eur. Phys. J. Spec. Top. DOI: 10.1140/epjs/s11734-022-00577-8 (2022)].
Grâce au design défini par les simulations, les 1ers dispositifs MEMS avec des aimants de NdFeB ont été réalisés par procédés microélectroniques [figure (b) ci-dessous] puis connectés face à la bobine planaire [figure (c)]. Les tests électromécaniques démontrent des tensions induites d’amplitude 6mV pour des amplitudes de vibration d’environ 150µm [figure (d)]. L’utilisation des nano-bâtonnets de Co assemblés verticalement en réseaux de plots micrométrique permettra d’obtenir des volumes de microaimants et ainsi des inductions magnétiques compatibles avec le récupérateur d’énergie déjà démontré avec NdFeB, et ce sans l’utilisation de terres rares.