Contrôle de l’hélicité de la lumière par renversement électrique d’aimantation

Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching Nature 627, 783-788 (2024) publié en ligne le 27 mars 2024

Actuellement, le contrôle de l’intensité de la lumière émise et des courants de charges dans les matériaux semi-conducteurs est à la base du transfert et du traitement de l’information.  En parallèle, l’écriture et le stockage robuste de l’information se fait grâce à des mémoires magnétiques qui sont mises en œuvre en utilisant le spin et l’aimantation associée dans des matériaux ferromagnétiques. Ce stockage est basé sur le spin de l’électron pouvant être considéré comme un aimant minuscule, dont l’orientation porte l’information.  Jusqu’à présent, il n’y a pas de systèmes hybrides permettant de réunir les différentes fonctionnalités pré-citées des matériaux semi-conducteurs et magnétiques. Le travail effectué au LPCNO à l’INSA de Toulouse, à l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine, France), au Laboratoire Albert Fert (France), à l’Université Paris-Saclay (France), en collaboration avec la Ruhr-Universität Bochum (Allemagne), l’Institut des semi-conducteurs et l’Institut de physique (Académie chinoise des sciences), le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (Japon), University of Minnesota (États-Unis), National Renewable Energy Laboratory (États-Unis) et University of Buffalo (États-Unis), constitue un premier pas important vers la mise au point de dispositifs combinant les fonctionnalités d’écriture, de stockage et de transfert de l’information par voie optique.

Cette étude, publiée dans la revue Nature, démontre la possibilité de moduler des informations magnétiques à l’aide d’impulsions électriques tout en les convertissant en un signal lumineux polarisé circulairement dans des diodes électroluminescentes (SpinLEDs), à température ambiante et à champ magnétique appliqué nul. Le principe physique sous-jacent repose sur des transferts entre les moments angulaires des électrons et des photons. Grâce au couplage spin-orbite, un courant de charge de contrôle génère par effet Hall de spin un courant de spin, qui permet de renverser électriquement l’aimantation de la partie ferromagnétique. Cette commutation détermine alors l’orientation du spin des porteurs injectés dans les semi-conducteurs dans lesquels le transfert du moment angulaire du spin de l’électron vers le photon contrôle la polarisation circulaire de la lumière émise. Cette avancée se situe à l’interface entre la spintronique et la photonique. Les résultats concernant ces sources de photons polarisés à la demande permettent d’espérer des développements dans plusieurs domaines : analyse de chiralité de molécules, sources de photons uniques contrôlées par le spin pour les technologies quantiques, écrans 3D…En particulier, ces dispositifs présentent un potentiel intéressant dans le domaine des communications optiques en espace libre, car la modulation par une commande électrique de la polarisation circulaire de la lumière émise, plutôt que son intensité, pourrait s’effectuer à des échelles de temps ultra-rapides, avec un faible consommation d’énergie. L’information portée par l’hélicité (c’est-à-dire le sens de rotation de la composante électrique de la lumière) des photons émis par les spinLEDs se propage sur des distances de plusieurs de dizaines de centimètres, contrairement aux systèmes spintroniques actuels, où l’information portée par le spin se propage à des distances nanométriques ou micrométriques. Ceci pourrait être exploité dans des transmetteurs optiques ultra-rapides et à haut rendement pour les centres de données, les applications Light-Fidelity (LiFi) ou l’informatique neuromorphique pour l’intelligence artificielle. De plus, des diodes lasers semi-conductrices, appelées “spin-lasers”, peuvent également être envisagées sur le même principe, avec des débits d’information supérieurs aux diodes lasers actuelles, ce qui ouvrirait la voie à des communications rapides et sur des longues distances. Enfin, on peut également imaginer réduire encore la taille de ces dispositifs à des échelles ultimes en utilisant des matériaux bi-dimensionnels.

Reference:

  1. A. Dainone, N. Figueiredo Prestes, P. Renucci, A. Bouché, M. Morassi, X. Deveaux, M. Lindemann, J-M. George, H. Jaffrès, A. Lemaître, B. Xu, M. Stoffel, T. Chen, L. Lombez, D. Lagarde, G. Cong, T. Ma, P. Pigeat, M. Vergnat, H. Rinnert, X. Marie, X. Han, S. Mangin, J-C Rojas-Sanchez, J-P Wang, M.C Beard, N.C Gerhardt, I. Zutic and Y. Lu

Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching

Nature 627, 783-788 (2024) publié en ligne le 27 mars 2024

 

https://rdcu.be/dCFs3

https://doi.org/10.1038/s41586-024-07125-5

 

Voir aussi News and Views “Electrons flip a switch on optical communications” S. Hiura, Nature 627, 737 (2024)

Contacts:

 Pierre Renucci, Professeur à l’Institut National de Sciences Appliquées de Toulouse (INSAT), Laboratoire de Physique et Chimie des Nano-Objets (LPCNO) INSA-CNRS-UPS, Université de Toulouse

Email: renucci@insa-toulouse.fr

 Yuan Lu, Chercheur CNRS à l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine)

Email: yuan.lu@univ-lorraine.fr